
Face à Chérif Diop, l’ancien ministre de Macky Sall a égratigné le nouveau régime sur plusieurs fronts : rapport « partiel » du dialogue national, « négligences » dans la gestion des inondations à Touba, plan Sonko « sans vision économique »
L’ancien ministre Serigne Mbaye Thiam était l’invité inaugural de l’émission « Grand Témoin » animée par Chérif Diop sur Event Prod. Pendant près d’une heure d’entretien, l’homme politique qui a occupé des portefeuilles ministériels pendant 12 ans sous Macky Sall a livré son analyse sur plusieurs dossiers d’actualité.
Premier sujet abordé, le dialogue national et son rapport remis au président Bassirou Diomaye Faye. Serigne Mbaye Thiam n’y va pas par quatre chemins : « Le collectif des partis d’opposition a jugé utile de réagir car il y a des points dans le rapport qui sont considérés comme des points d’accord alors que ce sont des points de désaccord. »
L’ancien ministre cite l’exemple du « basculement automatique des primo-électeurs » : « Le rapport dit qu’il y a un accord sur cette question. Moi-même j’ai proposé à la majorité que le basculement automatique ne peut pas se faire parce que nous ne sommes pas dans un pays où le vote est obligatoire. »
Thiam demande au président de mettre en place un comité de suivi des conclusions du dialogue pour revenir sur ces questions litigieuses.
Affaire HCCT : « Nos dirigeants sont totalement étrangers aux transactions »
Sur l’affaire de l’immeuble du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT), acquis par l’État depuis 2014 mais pour lequel des loyers ont continué d’être payés (préjudice estimé à 3 milliards FCFA), Serigne Mbaye Thiam rejette toute responsabilité du Parti socialiste.
« Il faut préciser qu’il y a une discordance au niveau des dates. Le HCCT dérive du référendum de mars 2016 et a été installé en novembre 2016. On ne peut pas dire qu’un immeuble a été acheté pour le HCCT depuis 2014 », explique-t-il.
L’ancien ministre insiste : « Nos dirigeants, que ce soit Ousmane Tanor Dieng ou Aminata Mbengue, qui ont occupé la tête du HCCT sont totalement étrangers aux transactions ou aux contrats de location. »
Parti socialiste : Appel à la « reconstruction » maintenu
Concernant l’avenir du Parti socialiste, Thiam maintient sa position exprimée en janvier dernier. « Le parti socialiste doit être reconstruit. C’est un parti qui a exercé le pouvoir pendant 40 ans et qui n’a jamais fait sa mue de parti au pouvoir en parti d’opposition. »
Il prévoit des retrouvailles possibles de la famille socialiste « vers 2027-2028 » et insiste sur la nécessité de proposer « une nouvelle offre politique ».
Touba : « Il y a de la négligence » dans la gestion des inondations
Sur les inondations récentes à Touba, l’ancien ministre de l’Eau et de l’Assainissement livre une analyse technique détaillée. Il révèle que le programme inauguré par le Premier ministre Ousmane Sonko (23 milliards FCFA) avait été initié sous son mandat en 2022.
« Ce qui s’est passé à Keur Gouna et à Nguelemou, il y a de la négligence dans l’exploitation parce que les pompes n’ont pas été déclenchées », dénonce-t-il, précisant que ce programme ne traite que 4 bassins versants sur les 23 identifiés.
Aquapower : Thiam révèle ses négociations
Moment fort de l’entretien, Serigne Mbaye Thiam révèle le contenu d’un courrier qu’il avait envoyé le 22 mars au négociateur en chef d’Aquapower, cinq jours avant la signature du contrat de dessalement.
« Quelqu’un qui envoie ce courrier, on peut le soupçonner de ne pas défendre les intérêts du Sénégal ? », interroge-t-il en lisant des extraits où il exigeait des garanties pour le Sénégal et prévoyait des mécanismes de renégociation.
Tout en félicitant la renégociation actuelle, il souligne que le nouveau périmètre (400 000 m³ d’eau + 300 MW d’énergie solaire) représente un « doublement de la capacité » qui n’est pas comparable à l’ancien contrat.
Plan Sonko : « Ce n’est pas un programme de redressement économique »
L’ancien ministre critique le plan de redressement du Premier ministre Ousmane Sonko. « Quand j’ai entendu l’exposé, je me suis dit : ce n’est pas un programme de redressement économique, c’est un programme de stabilisation financière. »
Il regrette l’absence de vision économique globale et cite l’exemple de l’extension de l’âge des véhicules importés : « Vous allez avoir des recettes douanières complémentaires mais vous allez avoir des pertes pour les véhicules neufs. »
FMI : « Il faut arrêter de se fâcher avec tout le monde »
Sur les relations avec le FMI, Thiam estime qu’un accord est « impératif » mais appelle à plus de mesure dans les relations internationales. « Il faut arrêter de se fâcher avec tout le monde au plan international. On n’a pas besoin de répéter tout le temps qu’on est souverain. »
Justice : Mise en garde sur la reddition des comptes
Enfin, sur la reddition des comptes, l’ancien ministre, qui rappelle avoir été victime d’attaques durant les émeutes de mars 2021, prône des enquêtes « impartiales » mais « dans la sérénité ».
Il lance une mise en garde ferme : « Si une personne est accusée et qu’elle décède avant d’être jugée, comment pouvez-vous aller prendre ses biens ? Si on s’achemine dans cette voie, c’est très grave pour notre pays. »